Abords de la violence des jeunes suivis au CSAPA du COREDAF : M. Grégory SELLIN Educateur spécialisé et Equipe Coreda
Quels types de violences observez-vous le plus fréquemment chez les jeunes que vous suivez ?
Dans mon expérience en CSAPA, je ne constate pas de lien systématique entre la consommation de substances et des comportements violents chez les jeunes. Les situations de violence physique ou verbale sont plus que rares et, lorsqu’elles existent, elles relèvent bien plus souvent de contextes intra familiaux défaillants, ou sont des automutilations dans le cadre d’un sentiment de mal-être, que de la consommation elle-même. Nombreux sont les jeunes suivis pour leurs conduites addictives qui ne présentent aucun passage à l’acte violent.
Quels sont les principaux facteurs/mécanismes en jeu dans le lien « addiction et violence » ?
Je considère qu’il s’agit d’un raccourci réducteur. L’addiction, comme la violence, est davantage le reflet d’une souffrance ou d’une fragilité sous-jacente (isolement, manque de ressources, traumas, exclusion, absence de soutien). Le facteur commun est le mal-être, non une causalité directe. Les mécanismes observés sont plutôt l’hyperémotivité, la difficulté à exprimer ses ressentis, ou la recherche d’évasion par la consommation, mais pas le recours à la violence.
Que vous disent les jeunes eux-mêmes sur leur vécu ? Comment expriment-ils leur souffrance ou leur mal-être ?
Les jeunes parlent surtout de solitude, d’anxiété et de difficultés à trouver leur place. Ils expriment leur mal-être par le retrait, l’absence de projet, parfois la dévalorisation, rarement par l’agressivité. Lorsqu’ils consomment, c’est avant tout pour oublier ou s’apaiser, non pour s’affirmer par la violence. Beaucoup se disent stigmatisés, incompris.
Quelles stratégies/dispositifs/programmes/actions vous paraissent les plus efficaces pour prévenir ou limiter ces violences/addiction chez les jeunes?
Les démarches les plus efficaces sont celles qui favorisent l’écoute active, la prise en compte globale de la situation du jeune, le travail sur l’estime de soi et les compétences psychosociales.
Les groupes de parole, l’accompagnement individualisé …tout ce qui permet l’expression sans jugement et la rencontre de l’autre, dans un cadre sécurisant. La prévention de la stigmatisation est cruciale, car les raccourcis tels que « addiction = violence » nuisent à la construction de réponses adaptées.
Quel message aux familles, institutions, jeunes ?
J’attire l’attention sur les risques de stigmatisation : il n’existe pas de profil unique du jeune « addict violent »!
Il est essentiel d’aborder chaque situation avec nuance et individualiser. Derrière la consommation ou le mal-être, il y a souvent un besoin de lien, d’écoute et de reconnaissance. N’hésitons pas à chercher à comprendre avant de juger ou de caricaturer les parcours. Ouvrons des espaces de dialogue qui valorisent la parole des jeunes, soutenons les familles, et formons les professionnels à la complexité de ces trajectoires.
Conclusion
Dans ma pratique, je rejette l’idée d’un lien direct ou d’une fatalité entre addiction et violence chez les jeunes.
Ce postulat est erroné : il enferme et isole davantage ceux qui ont justement besoin d’être entendus et accompagnés sans préjugés.
On ne peut pas parler des jeunes sans aborder l'étape "adolescence" qui est par définition une crise profonde et qui entraîne son lot de difficultés.
COREDAF - Centre de Soins en Addictologie (CSAPA)
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